C’est bien une utopie dans le sens profond, à savoir la conception d’un idéal permettant le bonheur de chacun·e, qui engage Pottecher et les sien·nes à mener l'aventure du Théâtre du Peuple. C’est une œuvre d’où transpire la compassion et l’empathie, émancipatrice dans le sens noble : « réunir les hommes dans une émotion commune, capable d’éveiller en eux une réflexion sur leur destin. » Il faut ici apprendre à faire avec. Avec les êtres, avec le lieu, avec les caprices du temps et cela peut véritablement donner une autre dimension à un projet qui sans ce cadre serait tout autre. C’est une chance inouïe qui nous est offerte d’avoir l’ambition d’en faire un lieu phare des questions qui animent actuellement le monde, à partager entre tous et toutes.
Maison de création, le Théâtre du Peuple accueille en son sein des artistes, des penseurs et des penseuses lors de temps de résidence, tout au long de l’année. Cela pour faire perdurer l’esprit d’expérimentation insufflé par son fondateur.
« C’est quoi « être en résidence » au Théâtre du Peuple ? Pour quelques jours ? Pour plusieurs saisons ? Pour plusieurs années ? Etre ici c’est déjà quelque chose. Déjà. Ce théâtre-là ce n’est pas n’importe quel théâtre. C’est une cabane pour trappeur géant, c’est un temple païen caché dans la montagne, c’est un bateau renversé inventé pour voguer par delà les mondes invisibles. C’est un abri pour humain et pour non humain aussi. Il a bientôt 130 ans. Il a abrité d’innombrables voyageurs pour des durées très variables. Il accueille en silence. Il ne grince pas, il chuchote. Il ne craque pas, il respire. Est-ce qu’il nous marque ? Comment il nous imprègne ? Il faudrait tenter une expérience… rendre compte ou témoigner peut-être. Si, avant de partir, on se retournait, on pourrait peut-être saisir l’instant où la trace furtive est encore là, avant que les brins d’herbes soient tous redressés et que la marque du pas ait disparu. Ce serait jeter un caillou, chacun·e notre tour et voir, au bout de quelques temps, quel chemin se dessine. Regarder la forme que ça crée. Juste par plaisir et par curiosité. Venez, on fait ça ! On dirait que chacun·e, que l’on soit résident·e d’un jour, d’un mois ou d’une vie, on laisserait des traces de nos passages ! Comme une empreinte dans la forêt. Une trace, qui pourrait être un texte, une photo, un dessin, un enregistrement, tout ce qu’on veut, tant que ça se glisse là. Là, ce serait le carnet de voyage du Théâtre du Peuple, et nous, passant·es, passeur·euses, on choisirait de laisser un quelque chose qui dirait tout simplement : j’ai été accueilli·e ici. »
Alix Fournier-Pittaluga et Paul Francesconi