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Le Théâtre du Peuple
Le projet
© Christophe Raynaud de Lage

 

Situé au cœur de la forêt vosgienne, le Théâtre du Peuple de Bussang est un lieu de création unique en France. Fondé en 1895, il maintient vivante l'utopie humaniste et artistique de son fondateur, Maurice Pottecher, résumée par la devise « Par l'art, pour l'humanité » inscrite au fronton de la scène. Classé au titre des Monuments historiques depuis 1976, le théâtre attire des visiteur·euses du monde entier.

Stages de formation, accueil de résidences artistiques et tournées décentralisées ont lieu tout au long de l’année. La « saison d’été » constitue le temps fort de l’année, avec deux spectacles en alternance, dont l’un mêle depuis l’origine artistes professionnel·les et amateurices. Durant cette période, le théâtre peut accueillir jusqu'à 1 300 spectateurices par jour, grâce au soutien de nombreux bénévoles. La metteuse en scène Julie Delille dirige cette maison depuis le mois d’octobre 2023. Au cœur de son projet, on retrouve les questions du sensible, du vivant, de la relation. Dans ce lieu à la temporalité unique, la notion de saisonnalité et celle de territoire trouvent tout leur sens. Pour poursuivre cette utopie audacieuse, il s’agit de porter ensemble et en équipe, l’expérimentation artistique, le lien aux œuvres de l’esprit et l’échange comme valeurs essentielles.

SAISONNALITÉ, SENSIBILITÉ, ORGANICITÉ

« Le Théâtre du Peuple est un théâtre particulier et puissant (notamment parce qu’il a traversé l’Histoire) mais aussi profondément humain. Une cabane, un abri en apparence simple à l’extérieur, loin des impressionnantes bâtisses de la Grande Culture. Il invite au jeu, et semble presque se cacher au bout du village. Avec les années la forêt gagne, voulant comme l’avaler, et le Grand Fayard, ce hêtre majestueux, s’y déploie, en veilleur, dans ce fond de scène unique. 
À l’intérieur, tout s’inverse, c’est la majesté du lieu qui s’impose, sans jamais nous écraser, mais en nous incluant par ses murs vivants qui parlent à nos sens. Que la salle soit pleine ou vide, l’expérience, pourtant bien différente, nous procure un même sentiment de grande beauté. Lorsque les portes du fond s’ouvrent, par la main des êtres humains qui collaborent à ce geste intensément poétique, ce n’est pas pour moi le réel qui se rappelle à nous, c’est le vivant qui nous invite à renouer, dans une qualité de présence à cet instant qui définit pour moi ce que peut être l’art du théâtre. Il semble qu’il y ait une voix, une parole dans cet acte à considérer avec le plus grand respect, dans la plus grande déférence, parce que par là, se détermine un geste, un passage, un instant de reliance unique (et profondément spirituelle) avec les forces du vivant.
Cette reliance, cet éblouissement, cette relation à tous les niveaux, qui inclut et considère les hommes et les femmes qui œuvrent en ce lieu, est au cœur du projet que je porte.
Durant ces quatre années qui verront le jubilé de la fondation du Théâtre du Peuple, je souhaite constituer une équipe réunissant artistes, poètes et poétesses, penseurs et penseuses, mais aussi habitant·es bénévoles, amateurices autour d’un projet artistique fort, mêlant écosophie et relation. Cette Ruche, organisme vivant, doit, selon moi, être un lieu d’essaimage.

Je crois profondément que le Théâtre du Peuple, par sa hauteur de vue, peut s’affirmer comme un véritable lieu-phare pour interroger, mais aussi répondre à sa manière, aux défis que posent notre époque. Nous y œuvrons depuis plusieurs années au sein de la compagnie Le Théâtre des trois Parques en travaillant autour de ce que l’on peut qualifier d’écosophie ou écologie profonde - une philosophie, ou plutôt une manière d’appréhender le monde et ses enjeux actuels d’un point de vue multiple et interdépendant qui comprend non seulement une attention à l’écologie environnementale, mais aussi à l’écologie sociale et l’écologie mentale. Pour épouser cette pensée, ma démarche s’articule autour de trois termes poétiques revendiqués ainsi car ils portent en eux la patte artistique de cette direction et les espaces imaginaires qu’elle peut susciter en chacun·e de nous : 
La saisonnalité : profondément inscrite dans le projet pottecherien, par les temporalités, les rythmes et les comportements qu’elle induit. 
La sensibilité : parce qu’à l’heure actuelle, qu’il s’agisse d’accompagner des personnes dans la pratique artistique, ou de faire apparaître la place et la valeur essentielle du théâtre et de l’art dans les temps que nous traversons, c’est la qualité de la relation qui définit la réponse que nous artistes et humain·es pouvons apporter face à la crise. Il devient urgent de reconquérir une “sensibilité fine”, loin de l’accumulation technologique et spectaculaire…
L’organicité : elle met au cœur les questions du vivant, de la réalité et de la faisabilité aussi des différentes initiatives, elle détermine ce qui est juste et les évolutions qu’il faut apporter. Elle indique aussi la nécessité d’une porosité ou plasticité entre les différents organes. »

UNE DÉMARCHE D'EXPÉRIMENTATION ARTISTIQUE

« Agis dans ton lieu, pense avec le monde. »
Édouard Glissant

Cette phrase du poète Edouard Glissant nous invite à adopter une disposition de pensée nourrie de et par l’essai, la tentative et le tremblement : c’est-à-dire qu’elle s’adapte à ce qui fait le monde vivant. Penser avec le monde c’est accepter de prendre en compte l’imaginaire des lieux et leur poésie en mettant au cœur de cette démarche, la relation. Cette formulation pousse à s’interroger sur ce qui fait la poésie, le territoire, et les reliances qui s’y déploient.
Le Théâtre du Peuple est un lieu qui demande une certaine humilité face aux éléments. Parfois la pluie tombe, le vent souffle, la nature collabore à sa manière au moment, et engendre un mouvement qui doit nous servir de guide. Le travail au cœur de ce lieu peut se résumer en ceci : engager toute son énergie et son courage à mettre à en place tout le nécessaire, à préparer, à élaborer les conditions pour que la réalisation et le déploiement de la rencontre avec l’œuvre aient lieu, mais sans jamais oublier que – ici plus qu’ailleurs – nous ne sommes pas seul·es. Il s'agit d'assumer ici une cohérence globale en créant un paysage commun, qui trouvera sa source dans le sensible et le poétique et d'assurer une veille artistique au travers des différentes saisons. En somme, un élan contribuant à l'organicité entre toutes les échelles et les aspects des projets artistiques qui verront le jour par ou pour le Théâtre du Peuple. »

Ce qui irrigue le projet du Théâtre du Peuple, c’est la Relation. C’est pourquoi l’équipe est mobilisée pour accompagner chaque rencontre possible entre les êtres qui font, par leur présence, ce lieu vivant. Aussi différents chantiers sont menés en parallèle. Appelés aventures, ces projets forment un archipel en mouvement perpétuel au gré des rencontres. Tout au long de l’année, le Théâtre du Peuple et son équipe œuvrent donc à déployer ces espaces. En voici quelques exemples :

  • La présence artistique : deux artistes associé·es à la Ruche, Alix Fournier-Pittaluga (dramaturge et autrice) et Paul Francesconi (auteur et metteur en scène), très régulièrement présent·es dans le lieu, assurent une permanence artistique. Alix et Paul, accompagnent l’équipe et prennent part depuis leur endroit à l’intense vie du lieu. Le Théâtre du Peuple organise des tournées sur le territoire, invente des projets artistiques au long cours avec des partenaires locaux, pour et avec les habitant·es. Maison de création, elle accueille en son sein des artistes, des penseurs et des penseuses lors de temps de résidence, tout au long de l’année. Cela pour faire perdurer l’esprit d’expérimentation insufflé par son fon- dateur.
  • Le nouage : le Théâtre du Peuple, lieu de référence pour son activité de formation, accueille des stages à destination des comédien·nes amateurices, dirigés par des artistes professionnel·les, tout au long de l’année. Ce mode d’échange est appelé « nouage ».
  • L'éducation artistique et culturelle : le Théâtre du Peuple est un acteur engagé de l’éducation artistique et culturelle. Avec les enseignant·es, des parcours de spectateurices sont élaborés à destination des élèves des écoles, collèges, lycées et universités du département des Vosges, des Régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté.
  • Le Bourgeon Bussenet : le Bourgeon Bussenet est une démarche collaborative entamée depuis octobre 2023 par Anne Labit, sociologue-chercheuse associée au projet porté par Julie Delille pour le Théâtre du Peuple.

L’ATTELAGE ENTRE LE THÉÂTRE DU PEUPLE ET LE THÉÂTRE DES TROIS PARQUES 

Le Théâtre du Peuple et la compagnie du Théâtre des trois Parques n’ont pas seulement le théâtre et la direction de Julie Delille en commun. Ce qui rassemble ces deux structures est aussi le fait qu’elles soient à la fois ancrées en milieu rural et rayonnantes sur le territoire national. Cette dimension est constitutive de leurs projets.
C’est ainsi que lieu et compagnie se proposent d’expérimenter l’“attelage” plutôt que la “fusion”. Au cœur de ce principe, l’idée est celle de “marcher ensemble”, de collaborer et d’échanger pour partager des valeurs et des réflexions qui les guideront dans leurs projets respectifs ou dans le développement de projets en commun : le Bambou Tour, tournée du spectacle Le Journal d’Adam et Ève d'après Mark Twain sur le territoire vosgien, la constitution d’un collège de réflexion sur la “créagogie” (les grands principes de médiation portés par la compagnie) qui inclut artistes et pédagogues rattachés aux deux structures, la mise en œuvre de formations communes autour des droits culturels, la transition écologique ou encore du mécénat…
La compagnie reste implantée en Berry où elle est conventionnée par la DRAC et la Région Centre-Val de Loire et poursuit ses activités sur son territoire durant toute la durée du mandat. Elle pourra également accompagner certaines productions artistiques.

Le théâtre des trois Parques
 

JULIE DELILLE

 

© Pierrick Delobelle

 

Comédienne issue de l’École de la Comédie de Saint- Étienne (2006 - 2009), Julie Delille y a travaillé sous la direction de Jean-Claude Berutti, François Rancillac, Jean-Marie Villégier, Olivier Maurin ou Jean-Paul Delore. Après plusieurs années comme interprète et professeure de théâtre (notamment au Conservatoire d’Orléans et à l’Université d’Angers), et à la suite d’une année de recul et de réflexion, le désir d’initier au plateau, un certain univers, empli d’images, de sons et de silences s’est fait une évidence. Autour des thématiques qui lui sont chères - le vivant, les langages et les figures féminines - elle fonde en 2015 Le Théâtre des trois Parques.
Se définissant comme « passeuse d’œuvres », elle s’entoure rapidement de collaborateurices artistiques d’horizons variés avec qui elle va créer quatre spectacles : L’Impromptu (Equinoxe, 2016), forme déambulatoire sensorielle, suivi de Je suis la bête (Equinoxe, 2018, Printemps des Comédiens, Festival Impatience, Wet°, MC93, etc.). La même année, Le Journal d’Adam et Ève d’après Mark Twain, forme théâtrale itinérante. Seul ce qui brûle (Maison de la Culture de Bourges, 2020), adaptation avec Chantal de la Coste du roman éponyme de Christiane Singer et qu’elle met en scène, est présenté entre autres au TGP, aux CDN de Limoges, Tours, Orléans, Valence, Châteauroux, Chartres, Saintes, Angoulême, etc. Sa dernière création Le Métier du Temps - La Jeune Parque (créée au Gallia Théâtre Saintes, 2023) est actuellement en tournée (Théâtre Nanterre-Amandiers, Halle aux Grains de Blois).
Elle vient de signer la mise en scène et le livret de Und d’après Howard Barker avec le compositeur argentin Daniel d’Adamo, un opéra pour une chanteuse et un ensemble de musique acoustique et électronique avec l’Ensemble TM+ (création Opéra de Massy, mars 2024).
Cet été, elle met en scène Le Conte d'hiver au Théâtre du Peuple.